L’Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie et l’Orchestre Régional de Normandie, sous la direction de Ben Glassberg et avec la violoniste Tai Murray, ont choisi la musique de ce ballet (dans la version concert de 1947) en la croisant avec le Concerto pour violon d’Eric Wolfgang Korngold.
Des musiques qui ont su, l’une et l’autre, mêler des emprunts, des traces de chansons et de musiques populaires chez Stravinsky, des inspirations issues de musiques de films chez Korngold.
Carnaval, poupées magiques et montreur d’ours : bienvenue dans l’univers de Petrouchka, la célèbre partition d’Igor Stravinsky, qui fait entrer la musique dans la modernité.
Créée en 1911 au Théâtre du Châtelet, sous forme de ballet interprété par Nijinski, elle est l’œuvre d’un compositeur de 29 ans qui détonne par sa variété de rythmes, ses brusques contrastes, ses couleurs fortes et ses emprunts aux folklores populaires.
La version remaniée de 1946, pensée pour le concert plutôt que pour le ballet, est ici dirigée par Ben Glassberg.
Cet adieu au romantisme est presque contemporain du concerto pour violon d’Erich Wolfgang Korngold, créé en 1947 par Jascha Heifetz.
Le compositeur viennois, exilé aux États-Unis pour fuir le nazisme, a puisé cette partition post-romantique dans les thématiques des musiques de films qu’il composait pour Hollywood.
Une soirée « classique » qui est aussi une plongée dans l’histoire de la musique et dans les arcanes de sa modernité.
Entretien avec Ben Glassberg - Propos recueillis par Vinciane Laumonier
Vous entamez, ici, un focus Stravinsky. Qu’est-ce qui vous lie à ce compositeur ?
Stravinsky utilise l’orchestre de manière incroyable. J’aime ses couleurs et sa précision technique. Son style a beaucoup évolué au long de sa carrière et j’avais envie, à travers ces différents concerts, d’aborder ses ballets, qui pointent juste après le romantisme et vibrent de couleurs.
Que souhaitez-vous partager avec Petrouchka ?
Toute l’ambiance festive, drôle et ludique de l’oeuvre. Stravinsky y développe un jeu de rythme complexe et un éventail de registres aux tempi différents. Il crée des juxtapositions de séquences rythmiques très novatrices pour l’époque. Lorsque l’Orchestre rend compte de ces énergies et que le public les perçoit, c’est tout simplement extraordinaire ! Le Concerto pour violon de Korngold est plus rare en concert... En effet, alors que c’est un chef d’oeuvre du xxe siècle. Il est empreint de la culture hollywoodienne de Korngold qui a écrit beaucoup de musiques de films. C’est un concerto très expressif et chatoyant. Vingt-cinq minutes de pure émotion !
On dit souvent que la musique de Star Wars est inspirée de ce concerto...C’est le cas. Et si vous êtes attentifs, vous verrez que le premier mouvement du concerto n’est pas sans rappeler la musique du film Jurassic Park, écrite aussi par John Williams. Les intervalles entre les notes sont presque similaires.
Pourquoi avoir choisi Tai Murray pour ce concerto ?
Tai Murray est une superbe soliste. Elle produit un son particulièrement chaud et souple et saura rendre l’expressivité du violon qui s’épanche, s’anime et maintient notre attention pendant toute la pièce. C’est la première fois que je travaille avec elle et j’en suis ravi.
Est-ce important, pour vous, de programmer davantage de femmes solistes ?
C’est même nécessaire. Je considère que chaque concert doit représenter le monde dans sa diversité. C’est pourquoi chacun d’entre eux comporte l’oeuvre d’une compositrice, le travail d’une cheffe ou le jeu d’une soliste. Nous menons un travail de fond à l’Opéra de Rouen Normandie pour trouver l’excellence et prioriser l’égalité hommes/femmes. La représentativité est un enjeu puissant. Je crois beaucoup en la force des modèles, que ce soit pour le public adulte ou les enfants qui viennent assister aux concerts en séances scolaires.
Comment abordez-vous ce premier concert de la saison ?
Comme des retrouvailles avec l’Orchestre et le public. Nous avons terminé la saison avec le magnifique drame de Saint-Saëns et je me réjouis de plonger à nouveau dans cette ambiance de travail tout en partageant notre passion avec les Rouennais dont l’accueil chaleureux me va toujours droit au coeur.